Centre

L'exploitation en charbon dans la région du Centre

 

Malte Helfer

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Le bassin central du Hainaut
Le Bassin du Centre est situé au milieu des trois bassins du sillon houiller Haine-Sambre-Meuse, à l’ouest de Namur, entre le Bassin du Borinage à l’ouest et le Pays Noir à l'est. À mi-chemin entre Mons et Charleroi, La Louvière forme le centre des douze communes du Bassin qui s’étend sur une surface d’environ 640 km².

Commençant à l’est de Mons, le Bassin était autrefois désigné sous le nom de Levant de Mons. L’activité principale y reposa jusqu’en 1973 sur l’extraction de charbon à coke et de charbon maigre sur quelque 25 veines fines et accidentées d’une épaisseur totale de 15 à 20 mètres.

Les déscriptions les plus détaillées de l'histoire du bassin minier du Centre ont été élaborées par Robert Pourbaix (1994) et Philippe Pellin.

Carte : L'exploitation du charbon

Steinkohlenbergbau

Malte Helfer, Université du Luxembourg

Les origines du Bassin vers 1300
Le premier indice témoignant des activités minières dans le Centre remonte à la fin du 12e siècle : l’abbaye Bonne-Espérance possédait en effet un lieu appelé « Cour des Carbonnières ». Cela dit, il pouvait s'agir par-là de charbon de bois. Le premier document fiable attestant de l’extraction de la houille dans le Centre est un décret datant de 1299 dans lequel Gilles Rigaut, le Seigneur du Roeulx, autorisait l’abbaye à exploiter du charbon à Houdeng-Goegnies.

Bois du Luc / Bassin du Centre
En 2012 le sité a été inscrit dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en qualité d'un de quatre sites miniers majeurs de Wallonie
Source : Ancienne carte postale

D’autres documents concernent l’exploitation de Strepy en 1378, de Morlanwelz en 1372, de La Louvière en 1390, de Haine-St-Paul en 1401, de Haine-St-Pierre et de la Hestre en 1410 ainsi que de Sars-Longchamps en 1423. L’extraction était pratiquée à une profondeur maximale d’environ 20 mètres. Les petites exploitations étaient néanmoins abandonnées dès qu’elles s’écroulaient ou que les puits étaient envahis par les eaux. Il est mentionné qu’en 1378, un dispositif destiné à détourner les eaux fut installé à Morlanwelz, ce qui permit d'exploiter des veines plus profondes.

La Société du Grand Conduit et du Charbonnage d’Houdeng, créée en 1685, aménagea un canal de drainage qui détournait les eaux jusqu’à 50 mètres de profondeur dans des conduits en bois de chêne pour les déverser dans le ruisseau de Thiriau distant de 3 kilomètres des gisements.

Ce projet était d'une envergure spectaculaire pour l’époque. Forts du succès de la société, qui conduisit en 1715 à l’établissement de l’exploitation de Bracquegnies, ses associés devinrent des personnalités aisées et influentes. Cette société, qui devint par la suite la Société Anonyme des Charbonnages de Bois-du-Luc à Houdeng-Aimeries, fut en activité de 1685 à 1973, soit pendant presque trois siècles.

De nombreuses autres sociétés charbonnières firent leur apparition au cours du 18e siècle, parmi lesquelles La Barette en 1735, Sart-Longchamps en 1747, Houssu en 1751, La Hestre et Redemont en 1756, Bascoup en 1768, St-Denis et Obourg en 1784.

L'introduction de la machine à vapeur en 1766
En 1766, la Société La Barette fut la première à installer dans la région du Centre une machine à vapeur atmosphérique destinée à pomper les eaux. L’introduction de cette machine inventée par Newcomen en 1706 révolutionna l’exploitation charbonnière dans la mesure où elle permit de progresser en profondeur grâce au pompage des eaux souterraines. D’autres sociétés firent par la suite l’acquisition de cette installation (Bois-du-Luc en 1779, Bascoup en 1788 et Sars-Longchamp en 1789). C’est en 1807 que la Société de Bois-du-Luc fut la première à s’équiper d’une machine d’extraction à vapeur. D’autres mines ne tardèrent pas en faire de même.

Sous l’Ancien Régime, les sociétés devaient reverser un droit de terrage ou un entrecens au seigneur. L’abbaye de Saint-Denis percevait ainsi, de la part de la Société du Grand Conduit et du Charbonnage de Houdeng, un entrecens correspondant à environ un sixième de la production. Ce privilège fut aboli avec la promulgation de la Loi Mirabeau (à partir de 1791, dans le cadre de l’extension de la Révolution à d’autres territoires) puis avec la loi sur les mines (1810) élaborée par Napoleon I ; la régale des mines et l’attribution de concessions furent alors réservées à l’Etat.

La prospérité économique de la Belgique conduisit au 19e siècle à l’essor de l’industrialisation dans la région du Centre. Parallèlement à l’industrie sidérurgique qui jouait un rôle prépondérant, d’autres secteurs se développèrent tels que l'industrie de la céramique, du verre et du textile. De nouvelles sociétés charbonnières virent également le jour : Mariemont en 1801, Péronnes, Maurage et Boussoit en 1827, Bois-d’Haine en 1838, Piéton en 1843 et bien d'autres encore.
 

Le 19e siècle, époque florissante
La production ne cessa d’augmenter et le nombre de mineurs, qui s'élevait à 2 500 en 1810, fut multiplié par neuf à la fin du siècle. La population locale ne suffisait plus pour couvrir les besoins massifs de main d'œuvre.

Pour attirer les travailleurs, certaines grandes sociétés firent bâtir en divers lieux (tels que Bois-du-Luc, Mariemont, Houssu, Bracquegnies, La Louvière ou Bouvy) des cités minières à l’image du Grand-Hornu dans le Borinage (1819).

Bois-du-Luc / Bassin du Centre
Photo : M. Helfer (2003)

La Société de Bois-du-Luc décida ainsi, en 1838, de construire la cité minière de Bosquetville dans laquelle les familles bénéficiaient d'un certain confort pour l’époque et disposaient même d’un jardin. Par la suite, d’autres infrastructures furent aménagées afin de faciliter la vie des cités (boucherie, moulin, hospice, école, salle des fêtes etc.).

La population des cités minières tripla entre 1837 et 1900 tandis que les autres communes de la région ne virent leur nombre d’habitants augmenter que de moitié.

St-Albert, Péronnes / Bassin du Centre
Source : Ancienne carte postale

Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, certaines sociétés du Centre furent absorbées par des charbonnages du Bassin de Charleroi (par exemple la Compagnie des Charbonnages de Piéton, les Charbonnages de Carnières-Sud etc.).

Les sociétés charbonnières de Charleroi s'étaient activement engagées pour la construction du Canal du Centre entre la Meuse et l’Escaut afin de permettre le transport de leur charbon vers la France. En 1888, le premier ascenseur fut inauguré bien que les travaux du canal ne fussent pas encore achevés. Le canal fut finalement mis en service en 1917.

Entre 1900 et 1930, la région du Centre connut, malgré la Première Guerre Mondiale, une période très prospère et les sociétés charbonnières n'hésitaient pas à investir : en 1903, le premier turbogénérateur de Belgique, d’une puissance de 300 kW, fut installé au Quesnoy à Trivières (puits dépendant de Bois-du-Luc).

En 1906, les Charbonnages de Ressaix firent l’acquisition de l’exploitation de Genk-Sutendael, en Campine, qui ouvrit ses portes dès la fin de la Première Guerre Mondiale. Dans la région même, les communes du sud du bassin jusqu'alors restées inexploitées, firent l’objet en 1912 d’une quinzaine de borages visant à découvrir de nouvelles veines ; la plupart de ces recherches se révélèrent néanmoins vaines.

Grâce à l’ouverture des nouveaux puits Marie-José de Maurage, Bray et Levant de Mons, le Centre put accroître sa production de 21 %. En 1921, les mineurs étaient au nombre de 28 000. Les mines employaient des travailleurs venant par train de la Flandre mais également des immigrés. La production charbonnière des 33 fosses était vendue à Bruxelles, Anvers, Tournai ainsi qu’en Flandre ; une partie était même exportée à Paris ainsi qu’au Maroc.

Abandon du premier bassin wallon

L’industrie minière wallonne se mit à subir les effets de la crise économique de 1930. La houille, exploitée dans des veines minces et irrégulières, dut rivaliser de plus en plus avec le charbon importé.

A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, des prisonniers de guerre allemands furent employés dans les mines, puis les exploitations recoururent à de la main d’œuvre étrangère, pour la plupart des Italiens, mais également des Espagnols, des Grecs etc., car le métier de mineur n’était plus aussi convoité par les travailleurs de la région.

Dans certaines exploitations du centre, on dénombrait 75 % de mineurs d’origine étrangère travaillant dans le fond. Dans l’espoir que la crise serait passagère, plusieurs sociétés charbonnières, comme par exemple les Charbonnages de Ressaix à Saint-Albert en 1954/55, investirent dans de grandes installations modernes avec l’aide de subventions.

Quesnoy / Bassin du Centre
Source : Ancienne carte postale

Emmanuel, Bois-du-Luc / Bassin du Centre
Photo : M. Helfer (2003)

En 1951, la Belgique signa le Traité de la CECA qui, dès 1952, exposa la houille de la région à la concurrence du charbon meilleur marché importé des pays voisins.

A l’instar des bassins voisins, les fermetures se succédèrent dans le Centre : Mariemont en 1955, Ressaix en 1956 et Bois-du-Luc 1959. Cette même année, les sociétés Ressaix, La Louvière et Marimont se regroupèrent au sein des Charbonnages du Centre.

L’exploitation de Maurage cessa son activité en 1961, suivie par celle de Saint-Albert de Ressaix en 1969. L’exploitation de Quesnoy à Trivières, appartenant à la S.A. de Bois-du-Luc, ferma ses portes en 1973. Ce fut le dernier charbonnage du Bassin du Centre.

C'est ainsi que l’activité houillère prit fin dans le premier bassin wallon.

Sources


Dejollier, R. (1988): Charbonnages en Wallonie. 1345-1984. Namur.

Delwiche, M. et Groff, F. (1985): Les gueules noires. Bruxelles.

Lebrun, P. (1981) : La révolution industrielle, in: L’industrie en Belgique. Deux siècles d’évolution 1780-1980, Bruxelles.

Pellin, P. (o.J.): Charbonnages du Hainaut. 

Pourbaix, R. (1994): Le bassin minier du Centre. In: Roger Berwart/Philippe Delforge (Hg.): L’héritage des gueules noires. De l’histoire au patrimoine industriel - Archives de Wallonie, Charleroi, S. 85-108.

 

Liens externes


Ecomusée Régional du Centre, Bois-du-Luc external link

Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles asbl external link 

Sites miniers majeurs de Wallonie external link